mardi 19 avril 2011

Le schisme de Maskinongé

Casaubon, Jacques, L'histoire de la paroisse Saint-Joseph de Maskinongé. Maskinongé, 1982, 548 pages.

Dans les paroisses naissantes, le choix de l'emplacement de l'église était un décision importante. Il y avait souvent des chicanes entre les habitants des différents rangs à ce sujet. L'enjeu était de taille, car c'était autour de l'église que se développait le village, ce qui augmentait la valeur des propriétés du rang choisi. Par exemple, à Saint-Boniface-de-Shawinigan en 1852, l'Évêque en personne avait dû intervenir pour trancher un différend entre les habitants des quatrième et sixième rangs. Quand il devait trancher, l'évêque allait planter une croix sur l'emplacement choisi  pour bien marquer sa décision et imposer son autorité aux paroissiens déçus.

En 1889, Maskinongé fondée en 1720 n'était plus une paroisse naissante, mais une nouvelle église, la quatrième, devait être construite plus près de la rivière où le village s'était développé après l'arrivée du chemin de fer. Jamais un chicane à propos de la construction d'une église n'est allée aussi loin. Déçues du choix de l'emplacement de la rive Sud-Ouest, une centaine de familles de la rive Nord-Est ont alors décidé de construire leur propre chapelle. Puis, comme l'évêque de Trois-Rivières leur refusait la visite d'un prêtre catholique, ils ont accueilli un ministre baptiste M. Burwash, envoyé par la mission de la Grande-Ligne dans le Richelieu, et se sont convertis à cette religion. Le pasteur baptiste William Stephen Bullock s'établit à Maskinongé en 1892 (voir Des loups dans la bergerie). Cette nouvelle paroisse protestante a ensuite servi de tremplin pour établir des missions à Sainte-Ursule et à Saint-Gabriel-de-Brandon en 1895.

Dans son Histoire de la paroisse, Jacques Casaubon nous présente une abondante correspondance échangée par les acteurs de ce drame paroissial. Je retiens deux éléments qui expliquent pourquoi ce conflit a dégénéré :
  • Le leadership des dissidents. Deux personnalités fortes étaient à la tête des habitants de la rive Nord-Est, le notaire Galipeau, président de la chambre des notaires, et M. Isaïe Marchand, qui pouvaient tenir tête au clergé local et même argumenter avec l'évêché.
  • Les maladresses du clergé. L'évêque de Trois-Rivières, Monseigneur Laflèche, avait d'abord tranché en faveur de la rive Nord-Est, et s'était même rendu y planter une croix, avant de se raviser après qu'une pétition ait été présentée par les habitants de la rive Sud-Ouest. Par la suite, un émissaire de l'évêque, le vicaire Hendricks, s'est permis de maudire la chapelle nouvellement construite, ce qui a provoqué la colère des dissidents. Enfin, le curé de la paroisse, qui a pris partie pour les habitants de la rive Sud-Ouest, était le neveu de l'évêque, ce qui a sans doute entaché la décision finale aux yeux des habitants de la rive Nord-Est.

Aucun commentaire: