mardi 15 juin 2010

Le régionalisme mauricien

René Verrette, Le régionalisme mauricien des années trente, Revue d'histoire de l'Amérique française, vol 47, no 1, 1993, p 27-52.

Dans cet article de la Revue d'histoire de l'Amérique française, René Verrette de l'Université du Québec à Trois-Rivières présente le fruit d'une recherche sur les origines du régionalisme en Mauricie qui s'est exprimé avec vigueur dans les années trente. Il examine le discours de quatre régionalistes : Joseph-Gérin Gélinas, Abert Tessier, Nérée Beauchemin et Louis-Delavoie Durand. Aux informations puisées dans l'article de Verrette, j'ai ajouté dans le texte qui suit quelques renseignements de nature biographique sur les principaux acteurs du mouvement régionaliste.

Le précurseur du mouvement a été l'abbé Joseph-Gérin Gélinas (1874-1927) qui a joué un rôle d'animateur dans son enseignement de l'histoire au Séminaire Saint-Joseph de Trois-Rivières. C'est lui qui a posé les fondements idéologiques du discours régionaliste, inspiré par l'auteur français Frédéric Mistral, le chantre du régionalisme provençal. 

Élève de l'abbé Gélinas au Séminaire Saint-Joseph, Albert Tessier (1895-1976), qui était originaire de Sainte-Anne-de--la-Pérade dans le comté de Champlain, est celui qui a exercé l'activité régionaliste la plus forte parmi les quatre. À sa fonction d'enseignant, l'abbé Tessier a ajouté celle d'animateur social par des conférences, des articles, des ouvrages, des films (plus de 70 documentaires) et des albums de photographie. Il était convaincu que les moyens de diffusion que lui-même mettait en oeuvre stimuleraient la fierté des Trifluviens en révélant "les grandeurs de leur histoire trois fois séculaire, le charme de leurs terres aux lignes adoucies, la majesté impétueuse de leur triple rivière aux lourdes eaux bronzées" (Le Bien public, 19 octobre 1933). 

Le docteur Nérée Beauchemin (1850-1931) était originaire de Yamachiche dans le comté de Saint-Maurice. Il s'est fait connaître comme poète de la «petite patrie». Encouragé par son ami l'abbé Joseph-Gérin Gélinas, il a fait paraître en 1928 le recueil de poèmes Patrie intime dans lequel les thèmes régionalistes transparaissent, de même que l'idéalisation de la mère-patrie. Jean-louis Lessard a consacré un article à ce recueil sur le site Laurentiana (ici).

L'avocat Louis-Delavoie Durand (1888-1965) est né à Trois-Rivières. Ardent nationaliste et candidat malchanceux à plusieurs élections, il tenait un discours régionaliste d'ordre économique et politique. Il multipliait les conférences et les causeries radiophoniques où le thème du régionalisme était omniprésent. Pour lui, le régionalisme repose sur "l'instauration d'une vie de famille entre les membres divers d'une même région, qui donne à chacun l'orgueil de sa petite patrie ... c'est une attitude devant la vie, idéaliste et réaliste à la fois" (Le Nouvelliste, 28 janvier 1936). Il a assumé la présidence du comité organisateur des fêtes du tricentenaire de la ville de Trois-Rivières en 1934.

On peut aussi ajouter les noms de deux jeunes journalistes du Bien public : Clément Marchand et Raymond Douville qui, sous la direction d'Albert Tessier, se font les propagandistes enthousiastes du réveil mauricien, le premier sous l'angle littéraire, le second dans une optique historique.

Leur idéologie est mise en contexte avec l'évolution socio-économique de la Mauricie qui a été durement affectée par la crise économique de 1929. Verrette cherche à établir un lien entre les représentations du discours régionaliste et un besoin d'identification à un idéal mobilisateur. Il cherche de plus à mesurer jusqu'à quel point ce discours a constitué un élément moteur du développement régional à cette époque. Le discours est présenté en interaction avec les mouvements collectifs qui en découlent et l'ont nourri. Les influences françaises sont mises en relief de même qu'une résistance des élites face à la modernité et à l'américanité.

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