mardi 9 mars 2010

De l'importance d'un jubilé

Un correspondant anonyme a fait parvenir la lettre qui suit au Journal des Trois-Rivières en juillet 1865. Il vante les mérites de travailleurs de La Gabelle qui ont sacrifié leur emploi pour pouvoir faire un jubilé à Saint-Étienne-des-Grès.

Le jubilé était une période décrétée par l'Église catholique pendant laquelle les fidèles pouvaient obtenir des indulgences pour la rémission de leurs péchés. Cette période revenait à tous les 25 ans pour que chaque génération puisse en profiter. C'était donc un événement religieux important que les catholiques les plus fervents ne voulaient pas manquer.

Le style de la lettre nous porte à croire que le correspondant anonyme était un membre du clergé qui voulait raconter une histoire édifiante aux lecteurs du journal. Voici le texte :
« L’on m’a rapporté de la manière la plus positive qu’un grand nombre de travailleurs employés dans l’un des chantiers du St-Maurice, connu vulgairement sous le nom de Gabelle, ont fait en cette circonstance ce qu’on peut appeler un “coup d’état”. Ces braves gens se réunirent donc et résolurent de demander au bourgeois de vouloir bien suspendre leurs travaux pendant quelques heures pour qu’il leur fût loisible d’aller faire leur jubilé [à St-Etienne]; celui-ci ne partageant pas leur esprit de foi, refusa froidement la faveur qu’on lui demandait; alors transportés d’une louable indignation, ces bons travailleurs lui déclarent franc et net qu’ils n’entendent pas être gênés dans l’accomplissement de leurs devoirs de piété et qu’il est bien entendu que pour eux la religion a le pas sur les dollars. En conséquence, ils offrent à régler avec ce coupable maître du chantier (que sans doute on ne sera pas tenté de prendre pour la personnification de la liberté de conscience) s’appuyant sur ce que leur action de générosité serait pour eux la meilleure lettre de recommandation pour trouver ailleurs des situations aussi avantageuses. Celui-ci, blessé par la noble contenance de ces braves gens, les congédie tous sur le champ, leur faisant entendre qu’après comptes réglés, il n’a rien à faire avec eux. “C’est bien, répond l’un d’entre eux, croyez-vous que nous allons vendre nos âmes ici pour un vile salaire de quelques sous par jour?”

J’ai eu le plaisir de voir ces excellents chrétiens s’approcher de la table sainte avec la plus grande ferveur, s’estimant heureux de souffrir cette perte temporelle qui aurait pu entraîner des résultats préjudiciables, à eux et à leur famille, pour profiter de ces dons précieux de la grâce que le vrai sage met bien au-dessus des richesses de ce monde. »

L'article du Journal des Trois-Rivières est tiré des Bases de données en histoire de la Mauricie du Centre interuniversitaire d'études québécoises.

Voir aussi sur ce blog Les Quarante heures.

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